Lorsque l’entrepreneur en charge des travaux n’a pas fait correctement son travail, qu’il existe des malfaçons et/ou qu’il ne finira jamais les travaux et qu’il est impossible de recouvrer une quelconque indemnisation de ses préjudices sur ledit entrepreneur [1], le maître d’ouvrage peut se trouver désemparé. Pourtant, dans certains cas, il peut se retourner également contre l’architecte, lequel engage pleinement, et à plusieurs titres, sa responsabilité s’il a une mission de maîtrise d’œuvre complète.
Rappelons à titre liminaire que l’architecte doit souscrire à une assurance pour la réalisation des travaux. L’assurance pourra alors indemniser le maître d’ouvrage. Cependant, même si l’architecte n’a pas souscrit à une assurance, pourtant obligatoire, ce qui constitue une faute de l’architecte, il sera possible de recouvrer à l’encontre de l’architecte les sommes obtenues judiciairement, celui-ci ayant beaucoup moins de risques d’être insolvable que l’entrepreneur.
I. L’obligation de résultat de l’architecte chargé d’une mission de maîtrise d’œuvre complète.
En tant qu’architecte chargé d’une mission de maitrise d’œuvre complète, il doit répondre de ses propres fautes et celles de l’Entrepreneur au titre d’une obligation de résultat [2].
Un arrêt de la cour d’appel de Nîmes du 8 juin 2010 [3] rappelle que « la mission complète (de l’architecte) s’entend d’une triple mission :
- Une mission technique comportant un devoir de conseil qui implique que l’architecte éclaire son client sur tous les aspects du projet avant le début des travaux, au cours des travaux et jusqu’à la réception, ainsi qu’un devoir de contrôle puisqu’il dirige et surveille les travaux en s’assurant que ceux-ci sont conduits conformément aux plans et devis descriptifs qu’il a adressés et aux moyens d’exécution qu’il a prescrits ; il lui appartient ainsi de coordonner l’activité des divers corps d’état sans être tenu d’assumer personnellement un contrôle permanent ; C’est ainsi qu’il doit, dans le cadre de cette obligation, adapter le nombre et l’étendue des missions qu’il accepte à ses aptitudes, à ses possibilités d’intervention personnelle ainsi qu’aux exigences particulières qu’impliquent l’importance et le lieu d’exécution de ses missions [4] ;
- Une mission financière et comptable puisqu’il reçoit de l’entreprise les mémoires et les justificatifs de dépenses, les vérifie et les remet à son client en lui faisant, d’après l’état d’avancement des travaux et conformément à sa mission, des propositions de versement d’acomptes et de paiement du solde [5] ;
- Une mission administrative consistant en l’accomplissement des formalités ».
Cette obligation de résultat a également été rappelée par une Cour d’appel qui a considéré que l’architecte qui s’est vu confier par le maître de l’ouvrage une mission complète de maîtrise d’œuvre ne peut s’exonérer de sa responsabilité qu’en apportant la preuve d’une cause étrangère ou du fait d’un tiers imprévisible et inévitable et répond des fautes des entrepreneurs à l’égard du maître de l’ouvrage.
Le contrat d’architecture conclu entre le maître de l’ouvrage, profane en matière de construction, et l’architecte, professionnel dont les services ont été rémunérés, impose à celui-ci une obligation de résultat concernant la qualité de la construction dont il a la charge, conformément à l’article 1147 du Code civil. Compte tenu de l’obligation de résultat qu’il supporte, et en tout cas des fautes qu’il a commises, l’architecte doit réparation intégrale au maître de l’ouvrage, sauf la démonstration d’une force majeure ou d’une cause étrangère dont la preuve en l’espèce n’est pas rapportée [6].
II. Quelques exemples de fautes qui peuvent être retenues à l’encontre de l’architecte.
La faute de l’architecte peut être retenue en raison du « choix déplorable » de l’entreprise de gros œuvre, qu’il a au surplus très mal dirigée [7] ou d’une entreprise défaillante et qui a conduit à l’abandon du chantier [8] ou à la suite du choix fâcheux d’un artisan [9].
L’architecte doit également au titre de sa mission écarter toutes les entreprises qui n’ont pas d’assurance de responsabilité [10].
L’obligation de contrôle général des travaux impose à l’architecte de garantir « le maintien des cadences, le respect des quantités et des qualités » [11]. L’architecte est responsable du respect des délais d’exécution : une carence laissant s’accumuler les retards et les malfaçons est imputable à l’architecte [12].
Au titre de l’article 33 du Code de déontologie des architectes : « Les missions confiées à l’architecte doivent être accomplies par lui-même ou sous sa direction« . Son obligation de contrôle général est assortie d’une obligation de surveillance attentive [13] irréconciliable avec une absence de visite du chantier. En effet, l’architecte commet une faute en s’abstenant d’intervenir avec fermeté auprès de l’entreprise pour faire reprendre dès leur constatation les malfaçons et erreurs d’emplacement de différents éléments d’intérieur [14].
Il a été jugé que l’architecte est responsable pour n’avoir pas surveillé les travaux exécutés par un entrepreneur qui a ultérieurement abandonné le chantier [15].
L’architecte doit vérifier les décomptes et situations de travaux établis par les entrepreneurs, sous peine d’engager sa responsabilité pour manquement à son obligation de conseil. Un architecte a ainsi été condamné à réparer l’intégralité du dommage subi par le maitre d’ouvrage en raison de sa faute dans l’exécution de sa mission complète puisque son absence de contrôle sérieux des situations financières et des prestations réellement exécutées a permis le versement à l’entrepreneur de sommes indues [16].
Les Articles 16 et 17 de la loi n°77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture imposent à l’architecte de souscrire une police d’assurance pour les actes qu’il accomplit à titre professionnel ou les actes de ses préposés et de déclarer les projets de construction qui lui sont confiés. En sa qualité de constructeur, l’architecte doit également souscrire des assurances couvrant sa responsabilité décennale, biennale et de parfait achèvement au titre des articles 1792 et suivants du Code civil.