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21/04/23

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Responsabilité du notaire et usurpation d’identité.

BESSARD du PARC Actualités

Les usurpations d’identité se multiplient et placent les victimes dans des situations quasiment inextricables. Si bien souvent c’est sur le plan pénal que les victimes agissent, elles doivent également savoir qu’elles peuvent obtenir la reconnaissance de leur qualité de victime au civil ainsi que la réparation des préjudices dont elles ont souffert, s’il est prouvé une négligence de l’ensemble des…

C’est en ce sens que s’est prononcé le Tribunal judiciaire de Bobigny dans son jugement du 13 février 2023, RG n°19/04292.

En l’espèce, Madame X a été victime du vol de son sac à main. Trois ans plus tard et se rapprochant de sa banque afin d’obtenir un prêt immobilier, elle découvre qu’elle est fichée au fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers pour défaut de remboursement d’un crédit immobilier de plus de 500.000 euros souscrit auprès de la banque A.

Très surprise de cette information, elle sollicite d’abord personnellement, puis par l’intermédiaire de son conseil, une copie du dossier ayant abouti à son inscription au fichier des incident de remboursement des crédits au particulier.

La banque A s’étant obstinée à ne pas communiquer le dossier qui lui avait été demandé, Madame X initie une procédure judiciaire au cours de laquelle la banque sera contrainte de communiquer le dossier litigieux.

Il apparaîtra que l’identité de Madame X a été utilisée par un tiers à son insu pour souscrire un prêt immobilier et acquérir un pavillon.

Le conseil de Madame X a cependant pu démontrer que l’ensemble des pièces utilisées pour obtenir le prêt bancaire était des faux (orthographe sur le nom familial, Madame X est blanche alors que la personne sur la fausse pièce d’identité était noire, l’adresse du domicile ne correspondait pas…).

La banque reconnaîtra en cours de procédure judiciaire que Madame X n’était vraisemblablement pas la personne qui avait souscrit le prêt, et décidait de radier son inscription au fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers.

Le calvaire de Madame X n’était pour autant pas terminé puisqu’elle recevait régulièrement des avis d’imposition de taxe foncière portant sur le bien immobilier acheté avec une fausse pièce d’identité. Les avis à tiers détenteurs et les saisies sur rémunération perturbaient la tranquillité de Madame X d’autant plus que l’administration fiscale ne se voulait pas compréhensive et conciliante.

Par la suite, Madame X décidait d’introduire une action en inscription de faux en mettant dans la cause la Banque A, le notaire instrumentaire de l’acte de vente, les vendeurs du pavillon litigieux et une autre personne (Monsieur Y) également victime d’usurpation d’identité et qui était considérée dans l’acte de vente comme étant coacquéreur de Madame X.

Il était demandé dans le cadre de cette procédure d’abord la suspension des effets de l’acte jusqu’à la décision à intervenir, ensuite la nullité de l’acte pour faux et, enfin, la condamnation du notaire à réparer les préjudices soufferts par Madame X et l’opposabilité de la décision à la banque A contre laquelle une première décision de justice était déjà intervenue. Il était également demandé de rendre la décision à intervenir opposable à Monsieur Y et aux vendeurs.

Le conseil de Madame X s’est employé à mettre en évidence les nombreux manquements du notaire. L’absence de vigilance de celui-ci était manifeste puisqu’une analyse, même sommaire, des pièces (pièce d’identité, avis d’imposition, bulletins de salaires, procuration…) permettait de se rendre vite compte que les signatures ne correspondaient pas et que les avis d’imposition étaient grossièrement retouchés par un logiciel. Il était manifeste que le notaire avait été négligent en l’occurrence.

Or, le notaire a l’obligation de s’assurer de la fiabilité des informations qui lui ont été transmises, de l’efficacité et de la sincérité de son acte. Le conseil de Madame X s’est donc employé à rappeler que le notaire avait méconnu en l’espèce cette obligation.

Par jugement en date du 13 février 2023, RG n°19/04292, Minute n°23/00126, le Tribunal judiciaire de Bobigny a fait droit aux demandes de Madame X et a déclaré nul l’acte de vente. Le tribunal a également retenu la responsabilité du notaire instrumentaire de l’acte et l’a condamné à rembourser à Madame X l’ensemble des taxes foncières payées par elle, à lui verser la somme de 5.000 euros pour préjudice moral.

Le notaire a également été condamné à verser à Madame X la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code procédure civile, outre les entiers dépens de la procédure comprenant les frais de formalités au service de la publicité foncière.

Auparavant et dès 2020, le tribunal avait ordonné la suspension des effets de l’acte de vente ; ce qui permettait à Madame X de ne plus s’acquitter des taxes foncières jusqu’à l’issue de la procédure judiciaire.