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6/05/20

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Le paiement d’indemnités dues au titre des frais de conservation d’un bien en indivision

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LE PAIEMENT D’INDEMNITÉS DUES AU TITRE DES FRAIS DE CONSERVATION D’UN BIEN EN INDIVISION

La Cour de cassation ainsi que les cours d’appel ont constamment rappelé que l’équité était le vecteur principal de l’indemnisation due au titre des frais de conservation.
 
Aux termes de l’article 815-13 du Code civil, « lorsqu’un indivisaire a amélioré à ses frais l’état d’un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l’équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l’aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu’il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu’elles ne les aient point améliorés.
Inversement, l’indivisaire répond des dégradations et détériorations qui ont diminué la valeur des biens indivis par son fait ou par sa faute
».

Souvent, dans les indivisions, on est face à une partie qui a bénéficié d’un bien qui ne lui appartenait pas complètement, sans payer d’indemnité d’occupation, mais qui a assumé les frais de conservation de ce bien.
Le délai de prescription pour réclamer le paiement de l’indemnité d’occupation étant fixé à 5 ans, on ne peut remonter qu’aux 5 dernières années d’occupation du bien. Il arrive donc régulièrement qu’une telle indemnité d’occupation ne puisse être réclamée pour la totalité du temps d’occupation du bien.

C’est notamment pour corriger cette occupation gratuite du bien que l’équité est utilisée par les tribunaux.

La Cour d’appel de Paris a ainsi jugé qu’ « ayant déjà bénéficié d’une jouissance gratuite pendant sept ans du fait de l’application de la prescription quinquennale, l’indivisaire ne peut prétendre avoir droit à une revalorisation de sa créance sur l’indivision sous prétexte qu’en payant l’intégralité des emprunts et des charges, il a permis à l’indivision de retrouver dans son patrimoine un capital revalorisé » (CA Paris, 2e ch., sect. A, 28 févr. 1996 : JurisData n° 1996-021080) (Pièce n°7).

La Cour de cassation va plus loin encore dans la définition de l’appréciation de l’équité. Elle a ainsi jugé que les juges du fond pouvaient statuer en tenant compte de l’équité et en faisant abstraction de la plus-value ou du profit subsistant (Cass. 1re civ., 1er juill. 2003, n° 00-20.305 : JurisData n° 2003-019993 ; D. 2004, somm. p. 2342, obs. V. Brémond).
Cependant, souvent les tribunaux tiennent compte à la fois de l’équité et de la plus-value ou du profit subsistant.

Ainsi, dans un arrêt du 29 novembre 2017 n° RG 16/17190, rendu à l’issue de 18 ans de procédures judiciaires, la cour d’appel de Paris reprend ces principes :

•    L’indivisaire qui expose des dépenses de conservation bénéficie d’un droit à indemnisation qui ne saurait être remis en cause en son principe. Cette indemnisation qui ne peut être inférieure à la dépense faite, est calculée sur la base du profit subsistant, sauf à ce que l’équité commande de retenir une somme moindre.
•    Il n’est pas mathématiquement aberrant que la revalorisation du bien excède la valeur actuelle du bien, dès lors que l’une des parties a supporté quasiment seule le financement du bien, et a notamment supporté seule les intérêts de l’emprunt.
•    En revanche, elle est injuste dans la mesure où la dépense engagée a également permis à la partie qui a supporté quasiment seule le financement du bien de se loger gratuitement pendant 40 ans.
•    Que l’équité commande donc que le capital et les frais d’acquisition soient revalorisés en fonction du profit subsistant, et que la dépense faite au titre des intérêts ne soit prise en compte que pour son nominal.
En synthèse, l’article 815-13 du Code civil donne une grande liberté au juge, ce dernier pouvant ainsi décider du montant de l’indemnisation à laquelle l’indivisaire qui a exposé des dépenses de conservation a droit, et l’aléa judiciaire est très important. D’où l’intérêt, d’autant plus grand, de trouver une issue amiable dans ces dossiers.